Alors que le Conseil d’Etat a récemment jugé qu’une demande illégale de pièces complémentaires ne fait pas obstacle à la naissance d’une décision tacite d’acceptation (Cf. CE, 9 décembre 2022, Commune de Saint-Herblain, n°454521 et notre article sur le sujet), nombreux ont pu être tenté de reproduire l’exercice et de transposer intégralement cette décision aux « majorations illégales de délais d’instruction« .
Et c’est l’exercice d’équilibriste auquel se prête le Conseil d’Etat.
En effet, et dans sa décision rendue le 24 octobre 2023 (CE, 2ème et 7ème chambres réunies, 24 octobre 2023, n°462511), le Conseil d’Etat est venu clairement transposer les potentialités de sa décision « Commune de Saint-Herblain » en établissant une cartographie précise des effets à donner aux majorations de délais sur la suite de l’instruction.
En résumé, le Conseil d’Etat a jugé, dans ses considérants n°4 et n°6, que :
- Une modification du délai d’instruction notifiée après l’expiration du délai d’un mois après le dépôt du dossier d’autorisation d’urbanisme n’a pas pour effet de modifier le délai d’instruction initial –> Une décision tacite peut alors naitre au terme du délai « classique »;
- Une modification du délai d’instruction qui ne serait pas justifiée par l’une des hypothèses de majoration prévues au code de l’urbanisme et les législations connexes (par ex. « + 2 mois car Monsieur le Maire est en vacances ») n’a pas pour effet de modifier le délai d’instruction initial –> Une décision tacite peut alors naitre au terme du délai « classique » ;
- En revanche, si l’autorité compétente notifie, dans le délai d’un mois, une modification du délai d’instruction (par ex. législations connexes ou saisine de l’ABF en MH) et qu’elle a effectivement consulté ou mis en oeuvre la procédure afférente, la circonstance que cette modification s’avèrerait, au final, infondée, n’est pas de nature à remettre en cause la prolongation du délai d’instruction qui en résulte –> Le délai d’instruction est repoussé et une décision tacite ne peut pas naitre au terme du délai « classique ».
Ou, pour le dire autrement, le Conseil d’Etat a décidé de « neutraliser » la modification du délai d’instruction que si elle est notifiée après l’expiration du délai d’un mois ou qu’elle n’est pas justifiée par la justifiée par réalisation de l’une des formalités correspondant aux cas de majoration prévus au code de l’urbanisme et les législations connexes.
Pour les services instructeurs, il en résulte qu’il faudra que la lettre de modification du délai d’instruction :
- Soit notifiée au pétitionnaire dans le délai d’un mois ;
- Désigne expressément le fondement de la modification en pointant les dispositions applicables précises ;
- Et que le service instructeur mette effectivement en oeuvre les consultations ou la procédure spéciale prévue par les textes visés dans son courrier.
A bon entendeur !