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Projet éolien : la charte d’un Parc Naturel Régional est-elle opposable ?

Par une décision du 21 avril 2022, le Conseil d’Etat est venu préciser quelle était l’opposabilité de la charte d’un Parc Naturel Régional (PNR) dans le cadre d’un projet éolien, soumis à la législation sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE).

Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 21/04/2022, n°442953

 

La question de l’opposabilité et de l’invocabilité de la charte d’un PNR n’est pas nouvelle et s’est déjà posée s’agissant de projets de carrières (nouvelles ou en extension) localisés au sein du périmètre d’un PNR.

Le Conseil d’Etat vient d’en faire application à l’occasion d’un contentieux dirigé contre l’autorisation d’exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs sur le territoire des communes de Ger et de Saint-Georges-de-Rouelley, au sein du PNR Normandie-Maine.

 

Au cas présent, le Conseil d’Etat a donc repris et modernisé la rédaction de son considérant de principe en la matière en rappelant, au visa de l’article L. 333-1 du code de l’environnement, que :

 

« 3. Il résulte de ces dispositions que la charte d’un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l’action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l’Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu’ils tiennent des différentes législations, dès lors qu’elles leur confèrent un pouvoir d’appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définisToutefois la charte d’un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égardElle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d’autorisations d’installations classées pour la protection de l’environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l’exercice de leurs compétences doivent être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu’elles concernent. »

 

Et s’agissant d’une demande d’autorisation d’exploiter un parc éolien, le Conseil d’Etat a précisé que :

« 4. Lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’implanter ou d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement au sein d’un parc naturel régional, elle doit s’assurer de la cohérence de la décision individuelle ainsi sollicitée avec les orientations et mesures fixées dans la charte de ce parc et dans les documents qui y sont annexés, eu égard notamment à l’implantation et à la nature des ouvrages pour lesquels l’autorisation est demandée, et aux nuisances associées à leur exploitation. »

 

En résumé, il apparaît que :

  1. Si la charte d’un PNR n’est, a priori, pas directement opposable au porteur d’un projet situé au sein d’un PNR, elle le devient via l’intermédiation de l’autorité administrative compétente, laquelle doit s’assurer de la cohérence de l’autorisation sollicitée avec les mesures et orientations de la charte ;
  2. Les mesures et orientations en question sont fixée dans la charte « et dans les documents qui y sont annexés », c’est-à-dire dans le rapport, le plan et les annexes, tels que prévus à l’article L. 333-1 II du code de l’environnement.
  3. S’il est saisi d’un tel moyen, le juge administratif doit rechercher si l’autorisation d’exploitation litigieuse est cohérente avec les mesures et orientations fixées par la charte et les documents qui y sont annexés.

 

Reste donc à savoir ce que recouvre ce rapport de « cohérence » entre une autorisation individuelle et la charte d’un PNR, lequel ne saurait se confondre avec un strict rapport de « conformité », pas plus qu’avec un rapport de « compatibilité ».

De ces trois rapport normatifs, il s’agit sans doute du degré le plus « souple », « global » et « dynamique » (pour reprendre les termes de M. Nicolas AGNOUX, Rapporteur public sur l’affaire commentée).

Un rapport de cohérence qui n’est pas sans rappeler, dans le champ de l’urbanisme règlementaire, la définition retenue par le Conseil d’Etat en ce qui concerne le la cohérence exigée entre le règlement d’un PLU et le PADD :

« 4. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d’urbanisme entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d’aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l’inadéquation d’une disposition du règlement du plan local d’urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d’aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l’existence d’autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. »

(Conseil d’État, 6ème et 5ème chambres réunies, 30/05/2018, n°408068)

 

Confirmation est donc faite que les porteurs de projet au sein d’un PNR doivent prendre garde aux mesures et orientations contenues dans les chartes des PNR et doivent, immanquablement et sous l’appréciation de l’autorité compétente, adapter leur projet au regard de ces règles. 

 

 

[Photographie – Appolinary Kalashnikova – Unsplash]