Un permis de construire irrégulier peut être purgé de ses illégalités par l’intervention d’un permis de construire modificatif constatant que la règle initialement méconnue ne l’est plus en raison « d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce ».
Conseil d’État, 1-4 chr, 10 octobre 2022, n° 451530
Le champ et les effets du permis de construire modificatif n’en finissent plus de révéler leurs potentialités en matière de régularisation des autorisations initialement entachées d’illégalité.
On se souvient en effet que le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’un permis de construire pouvait être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée (CE, 7 mars 2018, n°404079).
Plus récemment, le champ du permis de construire a été élargi (CE, 26 juillet 2022, n°437765) puisque, désormais, un permis modificatif peut être délivré « tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (Cf. mon précédent article sur le sujet).
Au cas présent, et à l’occasion d’un recours contre un permis de construire dont le terrain d’assiette était situé en zone littorale, le Conseil d’Etat a jugé que :
« 3. Aux termes du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, repris depuis le 1er janvier 2016 à l’article L. 121-8 de ce code : » L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement « . Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées, dans les communes littorales, en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions.
4. Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’autorisation initiale.
5. Ainsi, le juge administratif saisi de la contestation de la légalité d’une autorisation d’urbanisme initiale ayant fait l’objet d’une autorisation modificative doit, pour apprécier s’il y a lieu le respect par le projet des dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ou, depuis le 1er janvier 2016, de l’article L. 121-8 de ce code, rechercher si, à la date de la délivrance de l’autorisation modificative, les constructions projetées se trouvent en continuité avec des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. »
Autrement dit, il apparaît que si un terrain sur lequel est prévu un projet de construction n’est pas situé en continuité avec des zones déjà urbanisées, il doit être considéré comme inconstructible et un permis de construire délivré sur ce terrain sera immanquablement annulé par le juge administratif. Toutefois, s’il apparaît que, par l’effet d’une densification progressive des alentours, il est possible de reconsidérer la constructibilité de ce terrain comme répondant aux conditions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, le permis de construire modificatif peut alors venir purger l’autorisation de ce vice initial.
Par ailleurs, cette décision apparaît transposable aux terrains soumis à la l’application de Loi montagne pour lesquels des situations similaires pourraient se poser.
Cet arrêt du Conseil d’Etat qui s’inscrit dans un vaste mouvement visant à favoriser la régularisation administrative en matière d’urbanisme ne règle pas tout pour autant.
D’une part, cette application différenciée des règles dans le temps pouvait, en la confrontant à un périmètre réduit du permis de construire modificatif par rapport au projet initial (par ex. modificatif ne portant que sur les toitures, l’implantation d’une annexe, d’une façade …), donner lieu à des situations extrêmement complexes et pas vraiment heureuses du point de vue de l’homogénéité architecturale et du développement urbain.
D’autre part, en cas de permis modificatif, que se passera-t-il pour le pétitionnaire en cas d’évolution favorable des circonstances de faits, mais d’évolution défavorable des règles d’urbanisme ?
Je vous laisse avec cette question…