[Article mis à jour au regard de la modification de la règlementation de juillet 2023]
Au 1er juin 2022 une nouvelle règlementation relative au changement d’usage des locaux d’habitation entre en vigueur sur l’ensemble du territoire de la Ville de Lyon.
Retour sur les points clés de cette règlementation dont la méconnaissance constitue une infraction qui peut être sévèrement sanctionnée.
1- Le principe de la protection des locaux à usage d’habitation
Afin de lutter contre la pénurie de logement, le législateur a entendu limiter la transformation de locaux d’habitation en locaux à usage commerciaux, de bureaux ou en locaux meublés touristiques, et ce, en subordonnant la transformation de ces locaux d’habitation à l’obtention préalable d’une autorisation de changement d’usage.
Le régime juridique encadrant les changements d’usage et les usages mixtes des locaux d’habitation est défini aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH), lesquels poursuivent un « objectif d’intérêt général » (Conseil constitutionnel, 20 mars 2014, n° 2014-691 DC).
Le code de la construction et de l’habitation accorde donc une protection particulière aux locaux d’habitation et laisse le soin à chaque collectivité d’édicter un règlement encadrant la délivrance des autorisations préalables de changement d’usage de ces locaux.
Face à l’explosion des investissements immobiliers de type « Airbnb » et à la sortie du marché locatif classique de trop nombreux biens à usage d’habitation, la Métropole de Lyon et la Ville de Lyon ont entrepris de règlementer leur changement d’usage.
En ce qui concerne la Ville de Lyon, la première règlementation de ce type a été adoptée en 2011. Puis, cette règlementation a été renforcée au 1er février 2018. Enfin, et par sa délibération n° CP-2022-1301 du 11 avril 2022, la Métropole de Lyon est venue renforcer la règlementation relative au changement d’usage vers les locations touristiques meublées, avec une entrée en vigueur prévues de ces nouvelles dispositions au 1er juin 2022.
2- Les notions clés de la règlementation relative au changement d’usage
*Changement d’usage : Acte de transformer un local destiné à l’habitation au profit d’un autre usage (commerces, activités, services, bureaux, équipements d’intérêt collectif ou meublés de courte durée).
Par ailleurs, il sera observé que l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation vise expressément le cas des locations meublées de courte durée de type Airbnb/Booking en indiquant que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».
*Compensation : Transformation en habitation de locaux ayant une autre destination que l’habitation (au 1er janvier 1970 ou à sa date de construction si elle est postérieure) et n’ayant pas déjà été utilisés à titre de compensation.
Au titre de la règlementation lyonnaise, le local de compensation doit :
- Présenter la même surface (à +/- 5%) que le local d’habitation compensé ;
- Se situer dans le même arrondissement que le local d’habitation compensé y compris, le cas échéant, en secteur hypercentre si le local d’habitation est situé dans ce secteur ;
- Respecter les normes minimales d’hygiènes et de sécurité (RSD du Rhône, décret du 30-01-02, …) et ne pas être situé en rez-de-chaussée (sauf RDC surélevé).
Il est aujourd’hui précisé que la compensation peut prendre deux formes :
– la détention ou l’achat d’un bien destiné à un autre usage transformé en habitation dans les conditions de l’article 2,
– l’achat de droits dits de commercialité, auprès de propriétaires d’un ou plusieurs biens qui ont fait l’objet d’un changement pour un usage d’habitation depuis moins d’un an, auquel cas il sera produit à l’appui de la demande de compensation une convention de cession de commercialité.
*Autorisation de changement d’usage accordée à titre personnel : Il s’agit d’une autorisation délivrée lorsque le changement d’usage n’est pas soumis à compensation. Cette autorisation est temporaire et s’attache à la personne qui en a fait la demande. Elle prend fin à la cessation de l’activité autorisée et/ou dans un délai déterminé par le règlement.
*Autorisation de changement d’usage accordée à titre réel : : Il s’agit d’une autorisation délivrée lorsque le changement d’usage est soumis à compensation. Cette autorisation s’attache au bien et non à la personne qui en fait la demande.
*Secteur hypercentre : Secteur faisant l’objet d’un un régime de protection renforcé de l’habitat au regard des enjeux particuliers de celui-ci (forte pression touristique, difficultés d’accès au logement, nuisances, …). La carte de ce secteur est annexée au règlement et disponible en ligne ici : http://cartes.lyon.fr/hypercentre/
*Résidence principale / secondaire : La résidence principale est occupée par son propriétaire au moins 8 mois par an (Cf. article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).
*Surface habitable : la surface du logement prise en compte par la règlementation relative au changement d’usage est la surface habitable définie à l’article R. 156-1 du code de la construction et de l’habitation (à distinguer de la Surface De Plancher et de la surface Loi Carrez).
Il sera observé qu’en cas de division depuis moins de 10 ans d’un local d’habitation existant, le mécanisme de compensation s’applique alors à la totalité de la superficie du local initial.
*Meublé de tourisme (au sens du code du tourisme) : l’article D 324-1 du code du tourisme définit les meublés de tourisme comme « des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, et qui n’y élit pas domicile ».
3- Tableau synthétique de la règlementation relative au changement d’usage applicable à Lyon
Après analyse de la règlementation en vigueur, et pour une lecture simplifiée, le tableau suivant propose une entrée en matière à partir du type d’activité envisagée (+ éventuelles spécificités du local), de la localisation et de la surface du bien :
[Attention, ce tableau présente un résumé des grandes lignes de la règlementation relative au changement d’usage applicable à Lyon. Pour plus de lisibilité, certaines exceptions ou précisions n’y sont pas listées et il convient de se reporter à la règlementation applicable.]
Bien entendu, les autorisations de changement d’usage sont délivrées sous réserves du droit des tiers et la Ville de Lyon peut refuser le changement d’usage sollicité si l’activité en question est contraire aux dispositions du règlement de copropriété de l’immeuble concerné. Par ailleurs, cette autorisation de changement d’usage ne dispense pas le pétitionnaire des autres déclarations et demandes qu’il pourrait être tenu de déposer au titre du code de l’urbanisme (déclaration préalable, permis de construire, …) ou du code de la construction (autorisation ERP, IGH, …).
4- Quid en cas d’infraction aux dispositions relatives au changement d’usage ?
En cas d’infraction à l’obligation d’obtenir une autorisation de changement d’usage préalablement à l’exercice d’une activité économique (meublé de courte durée, commerce, bureaux, services, …), l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation prévoit que :
« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé. »
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires. »
En clair, lorsqu’une commune constate une infraction aux règles de changement d’usage, elle peut saisir le Tribunal Judiciaire à l’encontre de toute personne, c’est-à-dire, le propriétaire, que le locataire ou toute autre personne ayant participé à la transformation irrégulière d’un local à usage d’habitation et pour chaque local irrégulièrement transformé.
Les contrevenants risquent donc chacun :
- Une condamnation à une amende civile de 50 000 euros maximum, par local irrégulièrement transformé, ceci étant précisé que le produit de l’amende civile revient à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ;
- L’obligation de remettre le bien à l’usage d’habitation dans un délai fixé par le Tribunal, à l’expiration duquel une astreinte journalière maximale de 1 000 € par mètre carré et par jour de retard peut courir ;
- Une remise en l’état d’office exécutée par l’administration aux frais du contrevenant.
L’on ne saurait donc que trop conseiller aux propriétaires de se conformer à la réglementation en vigueur !
Benjamin Cottet-Emard Avocat au Barreau de Lyon
0617694731 / cottet-emard.benjamin@avocat-conseil.fr
[Bonus ! Vous pouvez consulter mon infographie sur le principe de la compensation sur mon profil Linkedin ]
Photo d’illustration par Jonne Mäkikyrö sur Unsplash.